Cécile Dieumegard

Cécile Dieumegard — 5 janvier 2023

Interview de Frédéric Crozatier

Professeur de mathématiques au lycée Jean Zay à Orléans (45), Frédéric Crozatier a créé la chaîne YouTube CQFD sur laquelle il partage des vidéos de mathématiques et d’applications mathématiques pour les lycéens et les étudiants du supérieur. Frédéric a également créé un site internet autour de l’apprentissage du langage Python.

CQFD

Un grand merci à Frédéric d’avoir pris le temps de me partager ses nombreux projets.

Quand et pourquoi avez-vous eu l’idée de créer une chaîne YouTube ?

L’idée de créer une chaîne YouTube remonte à quelques années. Depuis des années, je suis la chaîne YouTube mathématique de Grant Sanderson 3Blue1Brown. Cette chaîne ainsi que son contenu ont toujours été une grande source d’inspiration et j’ai toujours trouvé cela dommage qu’elle n’ait pas d’équivalent en français.

Dans le web mathématique français, l’approche est assez différente de celle proposée par les anglo-saxons. Il s’agit davantage d’une approche centrée sur du contenu plus scolaire pour les révisions ou bien du contenu sous forme de mini-cours.

En créant ma chaîne YouTube, je souhaitais garder le meilleur des deux approches. D’une part, je souhaitais garder l’approche inductive anglo-saxonne basée sur des exemples et situations qui permettent de mobiliser de belles images. L’idée ici est de motiver et de donner envie de faire des mathématiques. J’aime bien l’idée qu’on puisse prendre du plaisir avec de belles animations et que faire des mathématiques soit divertissant et ludique. D’autre part, je voulais garder l’approche francophone autour du contenu et des notions de fond. Je souhaite réellement que lorsque quelqu’un regarde une vidéo, il apprenne quelque chose et qu’il puisse développer des nouvelles connaissances (quelque chose de concret d’un point de vue mathématique). Il s’agit ici de trouver un équilibre entre les deux approches : une forme divertissante qui pousse à aimer les mathématiques et un fond concret avec du contenu mathématique intéressant.

L’élément qui a déclenché la création de ma chaîne YouTube est le concours de vidéos organisé par Grant Sanderson “Summer of Maths Exposition”. J’ai décidé d’y participer et cela m’a donc permis de me lancer !

Comment avez-vous l’habitude de choisir les notions que vous abordez dans vos vidéos ?

J’ai créé différentes playlists que je complète au fur et à mesure. Pour créer mes vidéos, je m’inspire de différentes sources.

Il m’arrive de développer le scénario de mes vidéos à partir de la question d’un élève à la fin d’un cours. Je me dis que si cet élève se pose cette question, c’est que d’autres doivent également se la poser et seraient intéressés par la réponse. C’est notamment comme cela que j’ai créé ma vidéo sur les différences entre Print et Return en Python.

Je m’inspire aussi des incontournables des mathématiques. Je réalise ces vidéos autour de notions que l’on apprend en classe mais dont on ne connaît pas les démonstrations. Bien que ces notions fassent partie intégrante de la culture mathématique, les démonstrations ne sont pas toujours au programme. J’ai par exemple créé une vidéo animée autour de la démonstration du Théorème de Pythagore.

Je m’inspire également des cours que je prépare. Je réfléchis à la manière la plus simple d’expliquer une notion. Une fois trouvée, je me dis que cela peut valoir le coup de la partager en vidéo. Par exemple, j’ai réalisé une vidéo sur le raisonnement par contraposée dans laquelle j’ai essayé de trouver une explication originale et différente pour expliquer ce fameux raisonnement.

Et pour finir, il m’arrive aussi de partager des applications des mathématiques dans la vie quotidienne. J’ai notamment créé une playlist autour du thème “A quoi ça sert les maths ?”.

Utilisez-vous les vidéos dans le cadre de vos cours ?

Je mobilise souvent la chaîne YouTube en mode classe inversée. Par exemple, lorsqu’un élève vient me poser une question à la fin d’un cours sur un point un peu plus technique et que je n’ai pas le temps d’y répondre en deux minutes, je lui propose de regarder l’une de mes vidéos qui dure 5/10 minutes sur le sujet et qu’on en rediscute au cours d’après.

La chaîne YouTube vient en complément du cours. Parfois, je propose aussi à mes élèves de regarder les vidéos à l’avance pour préparer le cours. Ainsi, ils ont déjà eu une première forme d’explication avant de venir en classe et ils sont plus réceptifs aux explications qui vont suivre.

Vous avez également créé un site internet autour de l’enseignement du langage Python, comment avez-vous l’habitude d’aborder le langage Python avec vos élèves ?

Pour créer le site internet, je suis parti de la difficulté d’enseigner Python aux élèves de Seconde. C’est un véritable challenge pour les professeurs d’enseigner la programmation Python à leurs élèves, surtout dans le cadre de cours magistraux (papier/ crayon) car cela n’est pas motivant pour les élèves et peu efficace (difficile à retenir). Il est évident qu’il est plus simple d’apprendre directement sur l’ordinateur. Toutefois, j’ai constaté que lors des séances Python en salle informatique, les élèves ne sont pas suffisamment autonomes car ils sont encore en phase de découverte. Je me suis rapidement retrouvé submergé de questions face aux erreurs générées par l’ordinateur. Il fallait aussi gérer l’agacement et la frustration des élèves qui finissent par se demander si cela fonctionne réellement et qui ne comprennent pas toujours d’où viennent les erreurs.

J’ai donc créé le site internet Sciency pour tenter de pallier ces difficultés. Le site repose sur un parcours interactif pour accompagner les élèves dans leur apprentissage de Python. Le principe : sur chaque question, les élèves vont avoir un retour immédiat sur ce qu’ils font pour les aider à comprendre leurs erreurs ou pour valider leur code. Le but est d’aider les élèves à devenir progressivement de plus en plus autonome.

Les notions fondamentales sont abordées en 3 phases. La première est une phase de découverte dans laquelle l’élève lit, comprend et modifie du code. La deuxième phase est une phase d’entraînement dans laquelle il va écrire du code de manière guidée en suivant différentes étapes. La dernière est une phase de maîtrise dans laquelle l’élève écrit du code de manière autonome afin de s’approprier la notion. L’idée est qu’à la fin de ces trois étapes, l’élève ait pris confiance en lui.

De leur côté, les enseignants peuvent créer une classe directement sur le site. Ils peuvent donc suivre la progression de leurs élèves.

Quels retours avez-vous sur votre chaîne YouTube et sur votre site internet ?

J’ai de nombreux retours qui sont tous très positifs, pour mon plus grand bonheur ! Concernant le site internet, j’apprécie énormément voir que les élèves finissent par se prendre au jeu. Sur le site internet, il y a différents niveaux et étapes, les élèves débloquent des mots-clefs qui vont venir enrichir leur éditeur avec des saisies semi-automatiques. Régulièrement à la fin des séances, les élèves se partagent leur niveau. Cela crée une émulation au sein du groupe.

Des élèves me demandent aussi s’ils peuvent continuer à la maison ou certains en font plus que ce qui est demandé. Je ne m’y attendais pas vraiment à ça, mais c’est très satisfaisant !

C’est aussi très pratique quand il y a des absents. Ils peuvent rattraper la séance en autonomie et me poser ensuite des questions s’ils en ont.

J’ai également un retour positif de la part des autres enseignants. Je sais que certains utilisent le site durant leurs cours. Il a également été présenté dans une formation de formateurs de mathématiques. Cela me fait plaisir que les collègues adhèrent et accrochent au concept. Cela m’encourage et me motive à poursuivre sur cette voie.

Pour la chaîne YouTube, je suis également satisfait. Je trouve qu’elle se développe bien. Les internautes apprécient et interagissent avec le contenu. Certaines personnes me suggèrent même des sujets à traiter ! Mon audience grandit chaque jour et je suis maintenant suivi par des personnes un peu partout dans le monde et notamment dans des pays francophones. Je suis ravi que mon contenu plaise et soit utile.

Avez-vous d’autres projets ?

Je vais continuer à développer ces deux projets : la chaîne YouTube et le site internet.

Sur le site, je vais créer des nouveaux parcours scientifiques interactifs en reprenant les codes et les trois piliers du parcours Python actuellement en ligne.

J’ai un autre projet qui est assez amusant et ça boucle la boucle avec la chaîne YouTube 3blueOneBrown ! Cet été, une deuxième compétition a été organisée “Summer Of Maths exposition 2”. J’ai de nouveau décidé d’y participer. Suite à cette nouvelle compétition, j’ai appris que l’équipe de la chaîne YouTube cherchait à améliorer l’algorithme qu’ils ont utilisé pour classer les participants. J’ai donc participé avec un algorithme que j’ai créé. Mon algorithme, NodeRank est encore en cours d’étude, mais peut-être que le projet verra le jour prochainement !

Votre meilleur souvenir de professeur de mathématiques

J’ai de nombreux très bons souvenirs. Ce n’est pas simple d’en partager qu’un ! Une année, lors du dernier cours de l’année scolaire, des élèves m’ont offert une boîte de chocolats pour me remercier des cours et conseils pendant l’année. Le geste m’a énormément touché, je ne m’y attendais pas !

Cécile Dieumegard
Cécile Dieumegard — Responsable de la relation professeurs

Cécile a rejoint notre équipe en novembre 2020 pour animer la communauté NumWorks ! Depuis la rentrée de septembre 2022, Cécile s'occupe plus particulièrement de la relation professeurs. Grâce à son travail chez NumWorks, Cécile a développé une nouvelle passion : l'art des courbes mathématiques ! Ses créations sont disponibles sur notre site et sur nos réseaux :)